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conscience de soi et compréhension des relations humaines, écriture, accompagnement, coaching, nouveau paradigme

Biberon's end

***

Chic !

Ce soir, j’ai gagné une bataille terriblement difficile : papa m’a cédé son ordinateur. Cela fait déjà des mois et des mois que j’essaie. Une fois, ça avait failli tourner en avantage pour moi, mais il s’était rebiffé en se fâchant tout rouge, et m’avait flanqué direct au lit avec au moins dix ou quinze de mes peluches et trois ou quatre livres à images. Comme si tout ça pouvait remplacer un ordinateur ! Du coup, pour bien lui signifier mon mécontentement, je m’étais mise à hurler et à taper des pieds très fort comme si le matelas n’était qu’une excroissance moelleuse de son corps tout osseux, mais ce père indigne était resté de marbre. Pire, il avait tiré la porte et disparu pendant au moins une demi-journée, profitant lâchement de ma faiblesse à ne pas pouvoir me hisser au-dessus des barreaux de mon lit en bois. J’avais dû finir par m’endormir d’épuisement, sans câlin ni biberon. Au réveil, toutes mes peluches avaient disparu : il était venu me les repiquer pendant ma sieste !

 

Au fait, il faut que je me présente : j’ai quinze mois demain, et je m’appelle Bichounette. Je sais, c’est un surnom très chouette, vous allez dire, et ça ferait plaisir à maman de l’entendre parce que c’est elle qui me l’a trouvé. Mais moi, je trouve ça complètement ringard. Mon copain Hippolyte-le-lapin-aux-oreilles-oranges, il me serine pourtant à longueur de journée que ça me va très bien. Il est gentil et je l’aime bien, Hippolyte, mais bon, il radote un peu. Et puis, il ne change jamais de salopette. Et comme il veut toujours que je l’embrasse, même lorsque je suis en train de manger, je lui en mets plein partout, et ce n’est pas pour autant qu’il passe au bain. De couleur initialement blanche, il est passé par le jaune, par le gris, et maintenant par le sale. L’autre jour, j’ai craqué, je lui ai dit qu’il fallait peut-être qu’il se lave. J’y suis allée un peu fort. J’ai bien compris que je l’avais vexé … Alors, je lui ai fait un gros bisou, mais ce n'était pas une bonne idée parce que j’avais plein de chocolat autour des lèvres, et ça lui mis du marron partout sur les oreilles. L’air de rien, j’ai essayé d’essuyer ma bavure du doigt, mais ça n’a fait que tout étaler et c’était encore pire qu’avant. Vu que l’odeur commence vraiment à me déranger, depuis quelques temps, j’ai voulu en toucher deux mots à maman, mais elle ne comprend rien. Je lui disais que ce serait bien que Hippolyte passe à la machine : elle m’a tendu la télécommande de la télé. Je vous jure … Les oreilles aussi, ça se lave, je lui ai dit en repoussant la télécommande. Mais elle m’a tendu un biberon vide qui traînait devant nous. J’ai pris le biberon et l’ai flanqué par terre, afin qu’elle comprenne qu’il serait temps qu’elle fasse des efforts pour m’écouter comme il se doit. Mais je n’en ai tiré qu’une engueulade et une claque. Elle m’a dit que j’étais vilaine avec elle, et que si c’était comme ça, on n’irait pas se promener avec Hippolyte.

 

Quelle injustice !

 

Heureusement, ça va changer ! Parce qu’aujourd’hui est un grand jour. J’ai conquis un espace nouveau : celui de la liberté d’expression. Papa est un écrivain, vous savez ? Ah ! ben non, je suis bête : vous ne pouvez pas savoir car je crois qu’il ne le dit à personne. C’est son petit secret, à papa. Il le garde bien précieusement, vous savez. Vous ne le répéterez pas, hein ? Et surtout, ne dites pas que c’est moi qui vous l’ai dit, hein, sinon, je ne continue pas, d’accord ? Bon. On dit que vous avez juré craché et que ça restera donc un secret entre nous. Je peux donc continuer à vous raconter : quand il rentre du boulot, papa, des fois, il est tout énervé. C’est à peine s’il dit bonjour à maman. Il regarde la table pas mise, se met à râler, ouvre le frigo et s’empare d’un yaourt qui ne lui a rien fait, et l’avale en cinq ou six cuillères sans respirer. Après, toujours sans respirer, il se vide dans le gosier deux gros verres plein d’eau du robinet, celle qui n’est pas bonne et que maman ne me donne pas parce que c’est poison. Puis il fait un bisou dans le cou à maman et lui demande s’il peut disparaître. Maman, bon public, lui donne toujours son accord pour ce tour de magie qui n’en est pas un. Il ne faut pas me prendre pour une demeurée : il ne fait que passer dans la chambre, là où il y a l’ordinateur. Si c’est ça, disparaître, je peux le faire tous les jours ! Depuis le parc, dans le salon, en collant l’oreille au mur, je l’entends appuyer très vite sur plein de touches. Au bout d’un moment, comme il ne fait pas de sport, papa, il s’arrête et je l’entends enfin prendre sa respiration pour de bon. Rassurée, je vaque à mes occupations et essaye de montrer à Hippolyte comment l’on fait pour mettre les petits cubes dans le gros qui fait de la musique. Papa ne réapparaît généralement qu’au bout d’une grosse heure, le sourire aux lèvres et de bonne humeur. Il me fait des bisous partout et me fait faire des tours d’avion partout dans l’appartement pour finir en atterrissage périlleux contre le buste de maman. Après, il m’emmène dans ma chambre et me demande si je veux écouter de la musique. Il me connaît bien, papa : je lui montre les disques. Il en prend un, ouvre la pochette, et le place dans le poste en refermant soigneusement le couvercle comme si la musique risquait de périmer. Il me laisse appuyer sur la touche play et là, le disque se met à jouer de la musique sans chanson. Mais papa me regarde tout étonné, et s’exclame « mais qu’est-ce que c’est que ça ?! » J’ai envie de lui répondre que c’est le disque classique qui me sert à m’endormir, mais trop tard : le voilà qui râle encore, retirant le disque et le remettant dans le bon boîtier parce que maman a tout mélangé les disques et les pochettes. « Mais c’est pas vrai ! » s’exclame-t-il encore. « Elle le fait exprès, c’est pas possible ! » Je sais ce qu’il cherche : le disque des marmottes. « Ah ! tu peux y aller : il n’y en a pas un dans la bonne boîte ! » Maman, depuis le séjour, lui fait remarquer qu’elle l’entend râler, et que ce n’est pas très cool parce qu’elle n’a pas arrêté de tout l’après-midi, mais au lieu de le faire taire, ça l’énerve encore plus, parce qu’il a l’impression de ne jamais pouvoir dire ce qu’il pense. Enfin, il trouve le disque des marmottes, dans la boîte d’Emilie Jolie, et il retrouve son calme pour danser avec moi. Au bout de deux ou trois tours de valse à peine, en même temps que son visage se crispe de douleur, le voilà qui me pose à nouveau dans le lit, en se frottant l’arrière du dos contre l’angle vif de mes étagères, en reconnaissant tout de même qu’il va peut-être falloir qu’il se remette sérieusement au sport.

 

Alors, je m’allonge dans le lit et lui suggère les exercices qu’il pourrait faire avec moi. Je fais une série d’abdominaux, qui semblent le sidérer, et je pédale dans le vide à toute allure en rigolant. Il en profite pour me chatouiller et me faire rigoler encore plus, et tout ça finit en hoquet pour moi, et en crampe des zygomatiques pour lui. Maman, attirée par notre remue-ménage, vient s’émouvoir de notre complicité, et papa en profite pour lui voler un baiser dans le cou en passant ses mains autour de sa taille.

Quand ils s’en vont, ils me font des gros bisous avec la main et tirent la porte presque avec regret, pour se remettre presque aussitôt à se disputer au sujet du ménage qui n’est pas fait. Moi, j’écoute la chanson de l’escargot qui porte un drôle de fardeau et trouve ça assez amusant, comme métaphore. Car papa et maman sont comme deux gros escargots qui n’auraient qu’une seule coquille pour deux. Et c’est d’ailleurs pour ça que nous allons bientôt changer de maison, et qu’ils s’embêtent à tout ranger dans des cartons, en ce moment.

 

Voilà. Il est tard et il faut que je me couche. Finalement, je vous raconterai comment je me suis emparé de l’ordinateur demain.

Demain matin, papa est au travail, et maman va rester couchée à la maison.

  

J’aurai alors tout mon temps, et personne ne s’apercevra de rien.

  

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C
Deux ans et demi !(je suis peut-?e un vilain papa, mais je connais l'? de ma fille, moi !)
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V
Ce serait tr?g?reux de ta part parce que ce concept te va ?erveille. Quel ? elle a, ta Bichounette, depuis le temps que tu la d?isses, vilain papa ?!
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C
Voil?D?l?our les anciens : ce texte est bien une r?ition.La cat?rie "journal intime" de Oldiblog ne permet pas l'inter-activit?es articles. Voil?ourquoi vous allez retrouver les textes du journal dans cette cat?rie.Pour information, j'ai le projet de d?lopper cette cat?rie "Bichounette m? la barque" ?lein temps ... disons, sans doute ?artir de 2007 ...
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