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    — Et que la vie soit, cela ne t'interpelle pas ? 

    — Ce n’est pas parce que la science n’a pas encore compris pour quelle raison la vie existe, qu’il n’y en a pas. 

    — Et si la science ne la trouvait jamais, cette raison ? 

    — Elle la trouvera, soyez-en persuadé. 

    — Encore de l’orgueil… 

    — Pourquoi ne la trouverait-elle pas ? Regardez plutôt les progrès effectués, les paradoxes expliqués, les phénomènes compris et rendus prévisibles : l’humanité n’est-elle donc pas capable du meilleur ? 

    — Elle est, pour l’instant, capable du pire. 

    — Un jour, elle sera meilleure, donc. D’ailleurs, vous l’avez sous-entendu. 

    — Pour être meilleure, il faudrait que des gens comme toi acceptent enfin de progresser, au lieu de stagner dans leurs certitudes et de s’embourber dans leurs propres erreurs ! 

    — Pour être meilleurs, ne faudrait-il pas plutôt que des gens comme moi ne soient pas mis entre les mains d’incapables, de frustrés et de dégénérés ? 

    — Seul un dégénéré peut parvenir à aider un autre dégénéré. 

    — Dégénéré, vous-même, à la fin ! 

    — Ah ! ça y est ! Les premières insultes fusent et le péché de colère n’est plus très loin ! 

    — Au lieu de me reprocher mes péchés, vous feriez mieux de vous féliciter d’avoir devant vous quelqu’un de bel et bien vivant ! 

    — Vivant ? 

    — Aïe ! Que faites-vous ? Ma tête ? 

    — Je ne t’ai pas touché. 

    — Aïe ! Arrêtez cela, vous dis-je ! Les personnes vivantes ont le défaut de ne pas supporter des douleurs pareilles ! 

    — La douleur est ton maître. 

    — Il ne faut pas m’en vouloir, mais je préfèrerais en avoir d’autres ! 

    — Alors retourne à tes professeurs et tes études, et contente-toi de ce qui t’est offert et généreusement accordé. 

    — La douleur s’estompe enfin. Que m’avez-vous fait ? 

    — Qui te dit que c’est moi ? 

    — Je le sais, je le sens. 

    — Tu ne sens rien du tout : tu es dans le coma. 

    — Je ne savais pas que l’on rencontrait des gens aussi déplaisants, dans le coma. 

    — Tu ne sais pas encore grand chose. 

    — Je ne suis pas prêt d’en savoir davantage, si vous vous obstinez à me retenir là. 

    — Tu veux déjà repartir ? 

    — Allons ! Cette conversation est stérile. Vous êtes entiché dans vos préjugés. Vous avez décidé de ne pas m’aimer, et rien ne pourra vous faire évoluer ! 

    — Conversation stérile : en effet ! 

    — Vous voyez ! Nous sommes au moins tombés d’accord sur un point ! Vous me libérez ? 

    — Je vais faire mieux que cela. 

     

     

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    CATHY DELAVIERE - Les orgueilleux

     

     

    — Non. Je veux bien accepter une petite part d’orgueil, mais je ne comprends pas pourquoi il me faudrait faire des efforts à considérer des minables comme étant mes maîtres à penser ! Parce que vous ne pourrez pas m’enlever ça de la tête : ce sont des minables. N’ai-je pas raison ? 

    — Minable, c’est la façon dont tu juges les gens. 

    — Ce n’est pas les juger, que de les considérer comme minables : je ne fais que constater leurs lacunes, leurs bassesses et leurs limites. Tout ce que je déplore, c’est que l’on nous vende des grands destins et des belles professions, et que ce soit entre des mains si peu expertes, que l’on nous abandonne, comme si la stupidité du programme de notre enseignement ne suffisait pas amplement au désastre ! 

    — Que reproches-tu à l’enseignement, professeur ? 

    — « Professeur » ? Devrais-je donc, à vos yeux, ne point avoir d’avis sur les épreuves que l’on nous fait subir, et le moule par lequel l’on désire nous faire passer ? Devrais-je courber l’échine et dire amen à tout ce que l’on me présente, apprendre par cœur les aveuglements et céder aux effets de mode ? 

    — Quels aveuglements ? Quels effets de mode ? 

    — Prétendre détenir la connaissance de ce qui est beau et de ce qui est laid, n’est-ce pas être aveugle ? Exiger de nous un style d’architecture représentatif de l’école, avec toujours les mêmes façons d’appréhender les volumes et les matériaux, n’est-ce pas céder à un effet de mode ? Laissez-moi donc pleurer un bon coup : j’avais espéré un peu plus d’humilité et de lucidité ! 

    — Quoi de plus naturel, en somme, pour un orgueilleux comme toi ? 

    — Les autres ne le sont-ils pas plus que moi, orgueilleux ? 

    — Peut-être ne sont-ils là que pour refléter tes propres lacunes ? 

    — Ne suis-je pas meilleur qu’eux, à vos yeux ? Ne puis-je pas mériter davantage de compassion ? 

    — Ne méritera la compassion que celui qui aura su faire preuve d’humilité devant l’existence et l’Eternel. 

    — Je ne suis pas croyant, je vous ai déjà dit. 

    — Tu te réveilles un beau jour avec un corps qui fonctionne, un cerveau qui pense, et une conscience qui te guide, et tu prétends ne pas être croyant ? Comment cela est-il possible ? 

    — Je crois en la nature, au hasard et aux coïncidences, c’est tout. 

    — Que ton cœur ne cesse de battre pendant ton sommeil, que, chaque jour, le soleil apparaisse à nouveau comme par miracle, qu’un homme et une femme puissent s’unir et créer un être vivant, semblable et pourtant différent d’eux-mêmes, tu appelles cela du hasard ? 

    — J’appelle cela de la logique. Le sommeil n’existe que parce qu’il est capable de gérer cet automatisme vital que constitue notre rythme cardiaque, et le soleil réapparaît parce que c’est la terre qui tourne sur elle-même et qu’en étant situé dans sa partie obscure, il est normal que nous appelions cela la nuit. Quant à la reproduction, c’est la logique même de la vie. Tout être vivant meurt et doit donc préalablement se reproduire pour que les choses continuent d’être et d’exister. 

    — Que cette reproduction soit efficace dans la majeure partie des cas, tu appelles cela une coïncidence, sans doute ? 

    — J’appelle cela de l’entraînement. La vie est suffisamment exercée pour avoir su conserver des modèles qui fonctionnent. 

    — Et que la vie soit, cela ne t'interpelle pas ? 

     


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    Bruno Cantais - Au galop

     

     

    — Non, je ne suis pas cynique : simplement objectif. Reprenons les choses depuis le début : pour quelle raison étais-tu inscrit en école d’architecture, au juste ?

    — Pour étudier l’architecture, pardi ! 

    — Alors pourquoi ne t’es-tu pas contenté de ce rôle ? 

    — C’est-à-dire ? 

    — A t’entendre, ce n’était pas un rôle d’étudiant, que tu t’attribuais, mais plutôt un rôle de professeur… 

    — Mais je n’ai jamais donné de leçons à qui que ce soit ! 

    — Et ce n’est pas pour autant que tu acceptais que l’on t’en donne. 

    — Leurs leçons ne valaient rien ! Ces profs étaient, pour la plupart d’entre eux, des architectes ou des artistes ratés, qui n’avaient plus que l’enseignement pour justifier de leur présence au sein de cette profession ! Notre prof d’art plastique se prenait pour un Picasso né trop tard, et nos professeurs de projet n’avaient parfois pas plus d’expérience que ceux qui sortent tout juste de l’école ! Comment vouliez-vous que j’accepte cela ? 

    — A défaut de l’accepter, il t’aurait sans doute suffi de savoir remettre le poing dans la poche, de les flatter un minimum et de leur donner le sentiment d’avoir une quelconque utilité vis-à-vis de toi. 

    — Flatter ? Vous êtes en train de me reprocher de ne pas avoir su les flatter ? 

    — Je suis en train de te reprocher ton excès d’orgueil. 

    — Mon excès d’orgueil ? 

    — Bien sûr : vouloir se faire juge à leur place, c’était de l’orgueil. Il n’y a pas d’autre mot. 

    — Vous avez une drôle de façon d’appeler la lucidité, vous ! N’étais-je pas plutôt lucide vis-à-vis des choses et des gens, plutôt qu’orgueilleux ? 

    — Lucide, peut-être, mais orgueilleux, c’est certain. 

    — J’ai donc péché, c’est ça ? 

    — En quelque sorte. 

    — Toujours ces réponses énigmatiques… 

    — Tu as péché par orgueil, oui. Tu préfères une réponse comme celle-là ? 

    — Oui : au moins, je sais à quoi m’en tenir. 

    — Tu as donc compris la leçon ? 

    — Non. Je veux bien accepter une petite part d’orgueil, mais je ne comprends pas pourquoi il me faudrait faire des efforts à considérer des minables comme étant mes maîtres à penser ! Parce que vous ne pourrez pas m’enlever ça de la tête : ce sont des minables. N’ai-je pas raison ? 

     

     

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