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Nallez pas vous faire cuire un uf trop vite: votre poêle en téflon est probablement cancérigène.
La bonne vieille poêle Tefal, fleuron des ustensiles domestiques de laprès-guerre, nous aurait-elle empoisonnés pendant un demi-siècle ?
LEnvironmental Protection Agency (léquivalent états-unien de notre ministère de lEnvironnement) a en tout cas jugé lAPFO, utilisé dans la fabrication du téflon, assez suspect pour demander aux industries den réduire de 95% lutilisation dici 2010, et de bannir carrément la substance dici 2015.
LAPFO, ou acide perfluorooctanoïque, est utilisé comme lubrifiant dans la fabrication de plusieurs «fluoropolymères»: les revêtements de poêles antiadhésives, mais aussi certains produits antitaches et lave-glaces, des tissus imperméables comme le Gore-Tex et des emballages alimentaires. Normalement, lAPFO ne devrait pas se retrouver dans les produits finis. Plusieurs analyses ont toutefois démontré le contraire.
La charge a surtout porté contre les poêles antiadhésives. Ainsi, lEnvironmental Working Group (EWG), un groupe écologiste des États-Unis, a avancé que le revêtement antiadhésif dune poêle chauffée pendant deux à cinq minutes pouvait se décomposer et relâcher dans lair des particules dAPFO suffisamment toxiques pour faire mourir des oiseaux de compagnie gazouillant à proximité.
Une nouvelle spectaculaire, certes, mais qui ne prouve pas grand-chose selon Louis Saint-Laurent, agent de recherche à lInstitut national de santé publique du Québec. «De petits oiseaux pourraient subir le même sort sils se trouvaient à proximité dune poêle ordinaire où chaufferait du beurre, dit-il. Leur métabolisme est extrêmement sensible. Cest dailleurs la raison pour laquelle on emportait autrefois des canaris dans les mines pour détecter les émanations de substances toxiques.» En dautres termes, si des oiseaux sont incommodés par lAPFO, cela ne signifie pas nécessairement que la substance est dangereuse pour lhumain.
Il nempêche quune étude présentée par un comité indépendant chargé de conseiller lEPA nous apprend que lAPFO serait «probablement cancérigène». Des chercheurs de plusieurs universités des États-Unis ont mené des tests en exposant des rats à différents dosages dAPFO. Les pauvres rongeurs ont bel et bien développé des tumeurs cancéreuses. Mais, là encore, il ne faudrait pas tirer de conclusions trop hâtives. «Les taux dAPFO utilisés pour tester la toxicité sur des animaux sont assez élevés, nuance Louis Saint-Laurent. De plus, les mécanismes qui causent le cancer chez le rat ne sont pas forcément les mêmes que chez lhumain.»
Alors que faire avec nos poêles en téflon ? Les seuls à nous offrir un avis tout à fait rassurant sur la question sont les fabricants de... poêles antiadhésives.
Jusquici, admet Louis Saint-Laurent, on na retracé quun seul cas documenté dune personne qui aurait souffert de fièvre à cause dune exposition à lAPFO. «Actuellement, confirme le directeur du département de chimie de lUniversité de Montréal, Robert E. Prudhomme, il ne semble y avoir aucune preuve indiquant que les infimes émanations dAPFO, même dans le cas du surchauffage dune poêle, soient dommageables pour lêtre humain.»
Dans cette mer de doute, une seule certitude: lAPFO est présent dans lenvironnement, et ce, partout dans le monde. «Y compris dans le Grand Nord», dit Louis Saint-Laurent, en précisant que la substance, soluble dans leau, a probablement été transportée là par les courants océaniques. On sait aussi que lAPFO est «biopersistant»: il saccumule dans les êtres vivants. En 2004, des scientifiques de plusieurs centres de recherche et duniversités dans le monde ont analysé des échantillons de sang provenant de 473 personnes, sur 5 continents. Leur étude, publiée dans la revue Environmental Science & Technology, conclut à une «contamination sur une grande échelle» par lAPFO (et dautres substances apparentées comme le perfluorooctane sulfonate, ou PFOS). En outre, lAPFO resterait plusieurs années dans lorganisme, selon une autre étude portant sur des travailleurs exposés à la substance pendant 27 ans en moyenne.
Toutes ces indications ont conduit Santé Canada et Environnement Canada à mener une évaluation conjointe visant à mesurer les risques réels de cette substance. Les résultats devraient être connus cette année. De leur côté, les industries qui utilisent lAPFO cherchent des solutions de remplacement.
Il reste que pour Marc Geet Éthier, auteur de Zéro toxique (Trécarré) un essai dénonçant labondance des produits chimiques dans notre environnement le véritable enjeu est ailleurs: dans les ratés entourant lautorisation de lensemble des nouveaux produits chimiques. «La révolution chimique des 50 dernières années a généré plus de 75 000 nouvelles substances dont limpact sur la santé humaine na pas été sérieusement évalué, dit-il. Nous sommes donc condamnés à vivre dans un monde dincertitudes. Or, si un produit semble douteux, ne pourrait-on pas adopter demblée le principe de précaution ?» Ce qui permettrait peut-être déviter, dans les années à venir, quelques milliers de cancers.
Alors, qu'est-ce qu'on mange, à midi ?!
source : CYBERSCIENCES
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