conscience de soi et compréhension des relations humaines, écriture, accompagnement, coaching, nouveau paradigme
Ce soir-là, j’ai allumé la télé par pure oisiveté. Après tout, ma femme ne serait pas rentrée du travail avant vingt-deux heures, le ménage était fait, ma fille lavée et couchée, et la journée avait été suffisamment longue et harassante pour me mettre au travail de mes écritures : j’avais donc bien le droit de m’octroyer une petite pause salvatrice.<o:p></o:p>
Comme je tombai bien évidemment sur des séries fades et trop calibrées, aux scénarios prévisibles et aux acteurs de seconde zone, je m’emparai de la télécommande et commençais l’exercice difficile et maladroit qui consiste à choisir une chaîne sans l’avoir choisie. Vous savez, ce petit exercice contemporain qui a fait de nous des êtres incapables de se fixer !<o:p></o:p>
Arte.<o:p></o:p>
La seule chaîne qui n’a pas besoin de logo pour savoir que l’on est sur Arte !<o:p></o:p>
Un film aux couleurs très vives, et dont le charisme et la gueule de l’acteur principal m’interpellent aussitôt. Des fois, il ne faut pas chercher à comprendre. Dès la première image, vous adhérez, et vous ne savez pas pourquoi. Pas de quoi déclencher une giclée d’adrénaline, pourtant ! L’acteur est dans une cabine de téléphone, le combiné à l’oreille et les lèvres bien serrées, il ne prononce pas un mot et déjà, je sais, ou plutôt je sens, que ce film est un bon film !<o:p></o:p>
Je commets donc l’erreur fatale, celle qui signifie clairement que j’abdique devant ma liberté de censure : je repose la télécommande. Cette fois, c’est fichu. C’est sûr : je ne me relèverai pas avant la fin du film !<o:p></o:p>
Et voilà que je me laisse emporter par l’histoire.<o:p></o:p>
Une histoire terrible, d’ailleurs.
Furtivement, sans perdre une image du film qui ne veut décidément pas m’attendre, je m’empare du magazine télé que je n’ai pas lu depuis des mois et des mois. C’est ma femme qui l’achète. Elle, elle les décortique comme des crevettes, les magazines télé. Ce n’est pas pour autant qu’elle m’aura prévenu de cette perle rare : « Un quadragénaire lassé de sa vie d’homme d’affaires tombe fou amoureux d’une jolie collégienne de 15 ans. »<o:p></o:p>
Tiens … Une adaptation libre du thème de Lolita, de Nabokov ?<o:p></o:p>
Remarquez qu’à la place de ma femme, j’aurais peut-être rien dit non plus. Un thème pareil, ça pourrait me donner des idées … d’autant plus que Lucille, au bureau, elle n’a pas quinze ans, et moi, je n’en ai pas quarante ! Je lui ai déjà dit, à ma femme : si j’avais eu dix ans de moins, Lucille … D’ailleurs, ce qui m’inquiète, c’est que lorsque je me regarde dans ses yeux, j’ai l’impression d’avoir dix ans de moins.<o:p></o:p>
Ne nous égarons pas ! Ma femme n’a pas voulu me prévenir et c’est son droit. Elle doit me considérer comme un personnage fragile de l’égarement affectif, et elle n’a sans doute pas tort. Les femmes ont toujours raison. Surtout la mienne.
« Proche de la quarantaine, Pablo travaille dans une banque d'affaires à Madrid. il semble déçu par la vie. Un matin, il heurte accidentellement une voiture de sport conduite par une jolie jeune femme, Sonsoles. Furieux d'apprendre qu'elle a porté plainte contre lui, il la harcèle au téléphone. »
Ah. Ça, c’est donc le début que j’ai loupé.<o:p></o:p>
Voyons la suite : « Un jour, il la suit même en voiture. C’est ainsi qu’il aperçoit sa jeune soeur, Maria. Il est subjugué. Dans les jours qui suivent, il parvient à accoster cette dernière sous une fausse identité, et il gagne sa confiance. Il tombe d’ailleurs bientôt éperdument amoureux de la collégienne. »
Et moi, je rajoute que la collégienne en question, elle est superbement interprétée par Maria Valverde.
Manuel Martin Cuenca reprend le thème du roman de Nabokov, Lolita, mais l’assortit d’une critique en règle du capitalisme contemporain. Son personnage principal, Pablo, incarne un cadre supérieur en pleine réussite, mais qui se rend compte qu’il a trahi les idéaux de sa jeunesse. Issu d’un milieu modeste, il avait entrepris, lorsqu’il était étudiant, une thèse sur la révolution russe. Quelques années plus tard, il témoigne d’un dégoût profond pour ce qu’il fait et ce qu’il vit.<o:p></o:p>
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Cuenca peint un personnage instable, en pleine crise, capable de céder à la violence, à la fois façonné et étouffé par les relations déshumanisées qui caractérisent son monde. Sa rencontre avec la très jeune et belle Maria semble lui offrir la possibilité d’une « rédemption ». Le film, en se servant d’un tabou, l’amour d’un adulte pour une adolescente, met en évidence le vrai scandale : un monde dont le but ultime est le profit, au détriment de l’homme. Mais c’est surtout l’histoire d’un amour fou, pur, qui touche comme une grâce un homme revenu de tout. Une histoire fragile et explosive qui agira comme une bombe à retardement, dans une fin aussi brutale qu’inattendue.
Le film, très primé, est servi par une distribution impeccable, notamment Maria Valverde, récompensée d’un Goya pour son rôle, tout en sensualité, d’écolière à la fois sage et affranchie, et Luis Tosar, qui interprète avec justesse le quadragénaire en question.<o:p></o:p>
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Moi, ce film m’a bouleversé. Quand ma femme est arrivée du travail, je lui ai dit chut !<o:p></o:p>
Elle m’a demandé au moins trois fois ce que c’était que film avant que je ne lui réponde en râlant que c’était le film qui passait sur Arte, et que c’était dans le magazine télé. Ce petit rappel au quotidien, au beau milieu de ma petite évasion, m’avait irrité au plus haut point ! Quand elle me demanda si c’était bien, je serrai les dents et ravalai ma salive, avant de laisser échapper, sur un ton sec et vraiment peu accueillant : « Ben oui ! Sinon, je ne le regarderais pas ! »<o:p></o:p>
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Si, en plus, on ne peut même pas avoir la paix de méditer deux heures sur sa propre condition et son destin … où va-t-on, bon sang ?!<o:p></o:p>
C’est vrai, ça. Ça me renvoie tellement de choses, un sujet pareil. Qu’est-ce que j’en ai fait, moi, de mes idéaux ? Ne les ai-je pas trompés ? N’ai-je pas lâchement baissé les bras ? Ne me suis-je pas « rangé », comme on dit ? Et puis cet amour pur, transcendant, n’est-il pas bien loin derrière moi ? Un amour d’homme marié depuis cinq ans, n’est-ce pas un peu transformé, usé, moins … fort ?<o:p></o:p>
Suis-je heureux ? Ma femme est-elle heureuse ? Ne sommes-nous pas devenus un papa et une maman vivant sous un même toit ? Où sont ces petits moments de bonheur qui nous unissaient tant ? Notre quotidien n’est-il pas devenu tout l’inverse des idéaux de mes vingt ans ?<o:p></o:p>
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Heureusement, je n’ai pas quarante ans.<o:p></o:p>
Ces petites questions passagères ne me sont pas encore insupportables. Et puis ce n’est pas Maria Valverde, qui travaille en face de moi, au bureau ! Donc tout va bien.<o:p></o:p>
Tout va bien dans le meilleur des mondes possibles !<o:p></o:p>
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Mis à part le fait que si les cheveux continuent de ne plus repousser, j’aurai bientôt le physique de Luis Tosar.<o:p></o:p>
Zut.<o:p></o:p>
Même physique … même destin ?!<o:p></o:p>
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Sortie de route (la flaquenza del bolchevique)
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