conscience de soi et compréhension des relations humaines, écriture, accompagnement, coaching, nouveau paradigme
J’ai perdu mon stylo !<o:p></o:p>
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Bon sang !<o:p></o:p>
Ce n’est pas possible ! J’ai perdu mon stylo, je te dis !<o:p></o:p>
J’ai perdu mon stylo et personne ne me le retrouve. Qu’est-ce que je vais devenir, sans ma plume, moi qui voulait faire l’écrivain ? Ça ne peut pas s’envoler bien haut, un écrivain sans plume … Ça n’a plus de poids, c’est sûr. Les ventes ne décolleraient plus ! Et puis, qu’est-ce que je vais en faire, de mes cartouches ? Hein ! Qu’est-ce que je vais en faire ? Ce sont des cartouches d’encre … Ça ne sert à personne, des cartouches d’encre : tu ne chasses rien, avec des cartouches d’encre … Tu en connais, toi, des gens qui chassent à l’encre ? Des gens qui pêchent à l’ancre, peut-être … et encore ! Des gens qui chassent dans le noir, pourquoi pas … mais moi, je n’en ai jamais vu qui chassent à l’encre ! Il faut être inspiré, pour vouloir chasser à l’encre, c’est moi qui te le dis ! D’ailleurs, si tu n’as pas l’inspiration, tu ne chopes rien. Ce n’est pas la cartouche, qui fait l’écrivain : c’est l’inspiration ! Il ne faut pas se leurrer. Mon stylo, il le savait bien, d’ailleurs. La page blanche, c’est le désert, pour lui. Ça donne soif, le désert. Et c’est d’ailleurs pour cela qu’il faut lui donner à boire, à ton stylo. Elles servent à ça, les cartouches d’encre. Parce que ça boit de l’encre, un stylo, ça ne boit pas de l’eau. Si tu lui donnes de l’eau, ça fait de l’écriture à l’eau de rose, ça n’a rien à voir, ce n’est pas comparable. Il vaut mieux sécher sur sa feuille, que d’écrire des trucs à l’eau de rose, crois-moi.<o:p></o:p>
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Remarque, je te soûle peut-être, avec mes histoires à l’eau de rose ?<o:p></o:p>
C’est vrai que tu préfères l’eau de vie, toi. C’est ça ?<o:p></o:p>
Ah ! Excuse-moi … Je ne suis pas dans mon élément, tu sais. Ça fait tout drôle, de se retrouver tout déplumé, comme ça, sans sa plume.<o:p></o:p>
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Et puis, je m’inquiète, moi !<o:p></o:p>
Que va-t-il lui arriver, à mon stylo ?<o:p></o:p>
Il va tomber sur un illettré, c’est sûr ! Ce sera pour lui la pire des épreuves ! Ou bien on va le torturer à lui faire débiter des insanités ! Peut-être l’exploitera-t-on à écrire des lettres d’insultes, des lettres anonymes, et peut-être même des phrases à connotation pornographique, qui sait ? Lui qui était si sensible, si effacé, avec son écriture en pattes de mouches … Peut-être ne sera-t-il utilisé qu’à débiter des grossièretés ? Il aura tout gagné …<o:p></o:p>
C’est qu’il commençait à bien maîtriser les petits secrets de la langue, le petit ! On pouvait dire de lui qu’il commençait à avoir l’habitude des grandes lettres et des petites minuscules. Il ne manquerait plus qu’il tombe sur un étranger. Vous imaginez ça ? Le gâchis, s’il venait à tomber sur un étranger ? Etre obligé de se faire à de nouveaux caractères, de chercher ses mots, de tout recommencer à zéro …<o:p></o:p>
C’est terrible, ça !<o:p></o:p>
Ça ne peut même pas se suicider un stylo.<o:p></o:p>
A moins que …<o:p></o:p>
Oui, bien sûr : il va finir par se faire un bouchon ! En pleine phrase, il va se mettre à faire des calculs, il n’aura pas le choix. Non pas des multiplications, des additions et des soustractions, non : des calculs comme on fait des calculs rénaux ! Une crise terrible, quoi ! Holà ! Ce doit être douloureux, comme suicide, une crise de calculs, pour un stylo ! Il n’a pas fini de se morfondre au fond d’un tiroir, avant de nous la faire pour de bon, sa crise !<o:p></o:p>
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Je suis anéanti !<o:p></o:p>
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Je ne le reverrai sans doute jamais plus.<o:p></o:p>
On se connaissait depuis si longtemps.<o:p></o:p>
Il en aura faites, des interrogations écrites, pour mon compte. Nous étions devenus quasiment inséparables. Qu’est-ce que j’ai pu lui en faire baver, avec mes histoires à dormir debout, d’ailleurs ! Quand j’y pense, c’est bien ingrat, la vie : il n’a même pas été diplômé pour tous les services qu’il m’aura rendus. Il faudrait pouvoir le décorer, au moins à titre posthume. Remarque, on serait bien embêté : on ne saurait pas où la mettre, la médaille. Ça n’a pas de cou, un stylo. Pas de cou et pas d’épaule. C’est vraiment mal fichu.<o:p></o:p>
D’ailleurs, il aurait eu un cou, quelque chose qui fasse rétrécissement, j’aurais au moins pu le tenir en laisse. On n’en serait pas là …<o:p></o:p>
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A moins que quelqu’un me le ramène ?<o:p></o:p>
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Où diable ai-je bien pu le perdre ?<o:p></o:p>
Sans doute en salle d’informatique, ce matin ? L’ordinateur, c’est le pire ennemi du stylo, c’est bien connu. Le numérique aura eu raison de lui, c’est sûr. Ses qualités littéraires n’auront même pas été détectées au scanner. Ses dernières volontés ? Une imprimante s’en sera sans doute chargée … Dans un univers pareil, ça ne fait pas le poids, un stylo à plume. C’est d’ailleurs peut-être bien de là qu’il tire son nom, le pauvre.<o:p></o:p>
C’est donc fichu. C’est un stylo perdu : je ne le reverrai plus. Et, pire encore, je n’aurai plus jamais la moindre nouvelle de lui.<o:p></o:p>
Cette dernière hypothèse me démoralise encore davantage.<o:p></o:p>
Je ne saurai donc jamais ? Ni qui sera son employeur, ni quelles seront ses nouvelles fonctions ? Le tortureront-ils à faire des calculs, de la grammaire, de la correction ? Aura-t-il au moins le privilège de mettre des notes ? Sera-t-il responsable de l’emploi du temps des grands de ce monde ? Signera-t-il des notes de frais ? Sera-t-il dans la contrebande ? Travaillera-t-il au noir ? Le mordilleront-ils jusqu’à la moelle ? Le briseront-ils de rage ? Connaîtra-t-il le vol plané des stylos tubulaires à dessin, qui se bouchent de rébellion au moment propice des heures de précipitation ? L’abandonneront-ils au beau milieu de la foule ? Ou bien dans un train, au sommet d’une montagne ou au fond d’une crevasse ? Verra-t-il au moins le sable chaud des mers tropicales, là où je n’aurais jamais eu le temps de l’emmener ?<o:p></o:p>
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« Mon stylo plume est mort, je n’ai pas retrouvé son corps », pourrais-je dire en guise d’épitaphe. Il aura emporté ses derniers mots avec lui, et les miens avec.<o:p></o:p>
Un poète est mort, qui n’était pas encore né, d’ailleurs.<o:p></o:p>
Cela lui aura servi de leçon, au moins : entre faire de la poésie, et fréquenter les salles d’informatique, il faut choisir. Un peu comme entre boire et conduire …<o:p></o:p>
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D’ailleurs, ai-je bu ? Ai-je lu ? Mais non, te dis-je : j’ai un stylo qui s’est perdu !<o:p></o:p>
Un esprit démoniaque me l’aura chouravé, tandis que j’avais la main retournée. Entre nous soit dit : il n’aura pas forcément fait une affaire. C’est qu’il n’est pas des plus dociles, ce stylo-là ! Il va falloir le manier avec courtoisie et méthodologie, avant d’en extraire la moindre ligne … Et puis, c’est un stylo qui rumine : au moindre mot de travers, il balance le point et tu n’en tires plus rien. Un peu trop d’encre d’un coup, il bave ; pas assez, il sèche ! Tu crois qu’il a digéré ton dernier coup de gueule, et il te fait son rôt en pleine phrase, sans virgule ni holà !<o:p></o:p>
Ah, je le vois bien maculer des pages entières de son encre mal digérée ! Ah, ah ! Bien fait pour le voleur ! Déjà qu’un voleur, ce n’est pas fait pour écrire, j’espère que celui-ci aura l’écriture accablante. Cela lui fera les pieds, et les doigts, et la main, et le poignet …<o:p></o:p>
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Et la tête ? … Alouette !<o:p></o:p>
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On ne va tout de même pas clouer des chaînes à ses stylos, non ?<o:p></o:p>
Et la liberté d’expression, alors ?<o:p></o:p>
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On vit vraiment une époque étrange. Voilà que l’on se met à voler les stylos, à les dérober lâchement pour les faire taire. C’est mal connaître le mien : il ne se taira pas, il fera la révolution ! Ses mots renverseront les malfaiteurs : il s’échappera de leur trousse, après avoir lancé la police à la leur, de trousse !<o:p></o:p>
Car il n’y a bien que les stylos, pour faire des choses pareilles … Et il n’y a que les stylos, qui te permettent de tourner vraiment la page !<o:p></o:p>
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Alors, tournons la page : un stylo en chasse un autre. <o:p></o:p>
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« Les stylos passent, et les écrits restent. »
La voilà, la grande phrase du jour !